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déjà la naissance d’Euphorion, l’enfant illustre du génie et de la beauté.

Ici, la pensée de l’auteur prend une teinte vague et mélancolique, qu’il devient plus facile de définir, mais qui semble amener sous l’allégorie d’Euphorion la critique des temps modernes. Euphorion ne peut vivre en repos ; à peine né, il s’élance de terre, gravit les plus hauts sommets, parcourt les plus rudes sentiers, veut tout embrasser, tout pénétrer, tout comprendre, et finit par éprouver le sort d’Icare en voulant conquérir l’empire des airs. L’auteur, sans s’expliquer davantage, dissout par cette mort le bonheur passager de Faust, et Hélène, mourante à son tour, est rappelée par son fils au séjour des ombres. Ici encore, l’imitation de la légende reparaît.

Le peuple fantastique, qui avait repris l’existence autour des deux époux, se dissipe à son tour, rendant à la nature les divers éléments qui avaient servi à ces incarnations passagères.

Le système panthéistique de Gœthe se peint de nouveau dans ce passage, où il renvoie d’un côté les formes matérielles à la masse commune, tout en reconnaissant l’individualité des intelligences immortelles. Seulement, comme on le verra, les esprits d’élite lui paraissent seuls avoir la cohésion nécessaire pour échapper à la confusion et au néant. Tandis qu’Hélène doit à son illustration et à ses charmes la conservation de son individualité, sa fidèle suivante Panthalis est seule sauvée par la puissance de la fidélité et de l’amour. Les autres, vaines animations des forces magnétiques de la matière, sans perdre une sorte de vitalité commune et incapable de pensées, bruissent dans le vent, éclatent dans les lueurs, gémissent dans les ramées et pétillent joyeusement dans la liqueur nouvelle, qui créera aux hommes des idées fantasques et des rêves insensés.

Tel est le dénoûment de cet acte, que nous avons traduit littéralement, voyant l’impossibilité de rendre autrement les nuances d’une poésie inouïe encore, dont la phrase française ne peut toujours marquer exactement