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LE VOYAGEUR.

Tu vis encore sur ta tombe, divin génie ! ton chef-d’œuvre s’est écroulé sur toi, ô immortel !

LA FEMME.

Attends, je vais te chercher un vase pour boire.

LE VOYAGEUR.

Le lierre revêt maintenant tes créations légères et divines. Comme tu t’élances du sein de ces décombres, couple gracieux de colonnes, et toi, leur sœur, là-bas solitaire !… La tête couverte de mousse, vous jetez sur vos compagnes, à vos pieds renversées, un regard triste mais majestueux ! La terre, les débris, nous les cachent ; des ronces et de hautes herbes les couvrent encore de leur ombre. Estimes-tu donc si peu, ô nature ! les chefs-d’œuvre de ton chef-d’œuvre ? Tu ruines sans pitié ton propre sanctuaire, et tu y sèmes le chardon !

LA FEMME.

Comme mon petit enfant dort bien ! Étranger, veux-tu te reposer dans la chaumière, ou si tu préfères rester ici à l’air ? Il fait frais. Prends le petit, que j’aille te chercher de l’eau. — Dors, mon enfant, dors !

LE VOYAGEUR.

Que son sommeil est doux ! comme il respire paisiblement et dans sa brillante santé !… Toi qui naquis sur ces restes saints du passé, puisse son génie venir reposer sur toi ! Celui que son souffle caresse saura, comme un dieu, jouir de tous les jours ! Tendre germe, fleuris, sois l’honneur du superbe printemps, brille devant tous tes frères, et, quand tes fleurs tomberont fanées, qu’un beau fruit s’élève de ton sein, pour mûrir aux feux du soleil !

LA FEMME.

Que Dieu te bénisse ! — Et il dort encore ? Mais je n’ai avec cette eau fraîche qu’un morceau de pain à t’offrir !