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Elle l’attire enfin gracieusement chez elle : « Bel étranger, ma demeure va s’éclairer pour toi de lumière brillante. Es-tu fatigué, tu pourras t’y reposer ; je panserai tes pieds blessés par le voyage ; tout ce que tu peux désirer, repos, joie et plaisir, viendra s’offrir à toi. » Et elle cherche à adoucir les feintes souffrances du dieu qui lui sourit : il démêle avec joie un cœur sensible parmi tant de corruption.

Et il exige d’elle un service d’esclave ; mais la jeune fille s’en acquittait avec un zèle toujours nouveau, et ce qu’elle faisait d’abord par complaisance, elle sembla bientôt le faire par besoin ; car, de même que la fleur se remplace bientôt par le fruit, l’amour insensiblement conduit à la soumission. Mais, pour l’éprouver mieux, le dieu la fait passer successivement des brûlants transports du plaisir aux angoisses et à la douleur.

Et, dès qu’il lui donne un baiser, elle ressent en elle toutes les peines de l’amour, elle comprend son esclavage, et pleure pour la première fois. Elle se jette aux pieds du dieu ; non qu’elle en espère quelque intérêt ou quelque retour, mais parce que ses membres refusent de la soutenir. Bientôt cependant la nuit étendra ses voiles sur les instants de bonheur qui récompenseront son amour.

Après un court sommeil, elle se réveille et trouve son aimable hôte mort à ses côtés : en vain le presse-t-elle dans ses bras en jetant de grands cris… Il ne se réveillera plus ! Et la flamme va dévorer bientôt sa froide dépouille ; les brames ont déjà entonné l’hymne des morts… Elle l’entend à peine, qu’elle s’élance, se jette à travers la foule… « Qui es-tu ? de quel droit t’approches-tu de ce bûcher funèbre ? »

Mais elle se précipite tout éplorée sur le cadavre. « C’est mon bien-aimé que je veux, et je viens le chercher sur son bûcher ; je viens mêler ma cendre à la sienne ! Il était à moi, à moi tout entier… Encore un doux sommeil entre ses bras ! » Et les prêtres chantaient : « Nous conduisons au tombeau le vieillard glacé par de longues souffrances, et le jeune homme aussi qui n’en a jamais éprouvé.