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solidement sur le monde ancien, pénétrer dans le monde des fantômes, prendre part à sa vie pour quelque temps, et trouver les moyens de lui ravir l’ombre d’Hélène, pour la faire vivre matériellement dans notre atmosphère. Ce sera là presque la descente d’Orphée ; car il faut remarquer que Gœthe n’admet guère d’idées qui n’aient pas une base dans la poésie classique, si neuves que soient, d’ailleurs, sa forme et sa pensée de détail.

Voilà donc Faust et Méphistophélès qui s’élancent hors de l’atmosphère terrestre, plus hardis cette fois, après une première épreuve : Faust, en proie à une pensée unique, celle d’Hélène ; le diable, moins préoccupé, toujours froid, toujours railleur, mais curieux, lui, d’un monde où il n’est jamais entré. Tandis que le docteur, perdu dans l’univers antique, s’y reconnaît peu à peu avec le souvenir de ses savantes lectures ; qu’il demande Hélène au vieux centaure Chiron, à Manto la devineresse, et finit par apprendre qu’elle habite avec ses femmes l’antre de Perséphone, le mélancolique Hadès, situé dans une des cavernes de l’Olympe ; Méphistophélès s’arrête de loin en loin dans ces régions fabuleuses ; il cause avec les vieux démons du Tartare, avec les sibylles et les parques, avec les sphinx plus anciens encore. Bientôt il prend un rôle actif dans la comédie fantastique qui va se jouer autour du docteur, et revêt le costume et l’apparence symbolique de Phorkyas, la vieille intendante du palais de Ménélas.

En effet, Hélène, tirée par le désir de Faust de sa demeure ténébreuse de l’Hadès, se retrouve entourée de ses femmes devant le péristyle de son palais d’Argos, à l’instant même où elle vient de débarquer aux rives paternelles, ramenée par Ménélas de l’Égypte, où elle s’était enfuie après la chute de Troie. Est-ce le souvenir qui se refait présent ici ? ou les mêmes faits qui se sont passés se reproduisent-ils une seconde fois dans les mêmes détails ? C’est une de ces hallucinations effrayantes du rêve et même de certains instants de la vie, où il semble qu’on refait une action déjà faite et qu’on redit des paroles déjà dites,