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inspire des paroles de désir et d’amour. Au milieu de ces anges lutins, de ces fleurs, de ces rondes d’esprits folâtres, le vieux diable ressemble au satyre antique enlacé par des enfants. Cette double image participe de l’alliance du monde ancien et du monde nouveau tentée par le poëte. On prévoit que le diable, un jour, sera pardonné selon le vœu de sainte Thérèse. L’ange déchu se laisse enlever l’âme de Faust pendant ce rêve du paradis.

Réveillé par les chants de triomphe des anges qui remontent au ciel avec leur proie, Méphistophélès exhale ses plaintes comme l’avare qui a perdu son trésor :

— Qu’y a-t-il ? Que sont-ils devenus ? Je me suis donc laissé duper par cette engeance qui m’enlève le fruit de ma peine ! C’était pour cela qu’ils rôdaient autour de la tombe. Un grand, un unique trésor m’est ravi. Cette grande âme, qui s’était donnée à moi, ils me l’ont dérobée par la ruse. À qui me plaindre, maintenant ? Qui jugera mon droit acquis ? — Te voilà donc trompé dans tes vieux jours, et tu l’as mérité ; tu as à plaisir gâté tes affaires ! Un désir insensé, une fantaisie vulgaire, une absurde pensée d’amour t’a égaré, toi le démon !… Et, quand tout ton esprit et toute ton expérience avaient su mener à bien cette sotte entreprise, voici que, pour un moment d’insigne folie, le dénoûment tourne contre toi !




Emportée loin de la terre par les esprits du ciel, l’âme de Faust traverse d’abord une région intermédiaire où prient de saints anachorètes, auxquels l’auteur donne les noms mystiques de Pater Extaticus, Pater Profundus, Pater Seraphicus. Dans cette solitude céleste, les âmes s’épurent et laissent au passage les dernières souillures de leur enveloppe terrestre. Une sphère supérieure encore est habitée par les enfants de minuit et les anges novices, qui, de là, transmettent l’âme aux saintes femmes, sur lesquelles règne et plane la souveraine du ciel, Mater Gloriosa.