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Le champ de bataille.


Après la mort, ou plutôt l’anéantissement du fantôme adoré d’Hélène, Faust se retrouve sur le sommet d’une montagne, encore ébloui des visions perdues, qui pour lui ont été réelles, et ont occupé quelque temps l’activité de son âme. Méphistophélès vient lui demander s’il n’est pas las encore de la vie, et s’il n’a pas tout épuisé, la science, la gloire, l’amour de cœur, l’amour d’intelligence, et n’est pas content encore d’avoir pu sonder vivant deux infinis : le temps et l’espace. Que peut-il vouloir encore ? La richesse, le pouvoir, le plaisir des sens ? Mais ce sont là des phases de l’existence, que Faust a traversées sans s’y arrêter.

— Je vois, dit Méphistophélès, qu’il nous faut passer à une autre sphère ; celle-ci est épuisée, tordue comme une orange vide. C’est vers la lune que ton esprit aspire maintenant, je le vois bien.

— Tu te trompes, dit Faust, la terre est encore un théâtre assez vaste pour l’activité qui me reste. Je veux frapper d’admiration les races humaines. Je veux laisser des monuments de mon passage et pétrir enfin la nature au moule idéal de ma pensée. Assez de rêves : la gloire n’est rien, l’action est tout.

— Qu’il soit donc fait à ton gré ! dit le diable, qui commence à désespérer de fatiguer une intelligence si robuste.

Et ils abaissent de nouveau leur vol sur le monde matériel. La vie humaine recommence à bruire autour d’eux.

Combien de temps s’est-il passé depuis qu’ils ont quitté la cour de l’empereur ? Des années, des instants, peut-être. Mais l’empereur est encore vivant. La prospérité financière improvisée par Méphistophélès n’a pas été de longue durée. Le papier-monnaie est redevenu papier ; les folles dissipations de la cour ont mis le comble à la misère publique. Une grande partie de l’empire s’est soulevée, et le souverain légitime joue sa couronne dans une dernière bataille. Faust ordonne à Méphistophélès de le secourir, et se dispose lui-même à prendre part au com-