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composition du premier. Beaucoup de grands écrivains ont eu cette même envie de donner une suite à leur chef d’œuvre. C’est ainsi que Corneille écrivit la suite du Menteur ; Beaumarchais, dans la Mère coupable, la suite un peu sombre de son joyeux Barbier. Nous avons voulu, pour compléter notre travail, donner par l’analyse une idée de l’immense poëme qu’on appelle le second Faust. Ce complément posthume, publié seulement dans les œuvres complètes de l’auteur, ne se rattache pas directement au développement clair et précis de la première donnée, et, quelles que soient souvent la poésie et la grandeur des idées de détail, elles ne forment plus cet ensemble harmonieux et correct qui a fait de Faust une œuvre immortelle. On trouvera néanmoins dans certaines parties du plan un beau reflet encore de ce puissant génie dont la faculté créatrice s’était éteinte depuis bien des années, quand il essaya de lutter avec lui-même en publiant son dernier ouvrage.

En publiant la première édition de notre travail, nous citâmes en épigraphe la phrase célèbre de madame de Staël, relative à Faust : « Il fait réfléchir sur tout et sur quelque chose de plus que tout. » À mesure que Gœthe poursuivait son œuvre, cette pensée devenait plus vraie encore. Elle signale à la fois le défaut et la gloire de cette noble entreprise. En effet, on peut dire qu’il a fait sortir la poésie de son domaine, en la précipitant dans la métaphysique la plus aventureuse. L’art a toujours besoin d’une forme absolue et précise, au delà de laquelle tout est trouble et confusion. Dans le premier Faust, cette forme existe pure et belle, la pensée critique en peut suivre tous les contours, et la tendance vers l’infini et l’impossible, vers ce qui est au delà de tout, n’est là que le rayonnement des fantômes lumineux évoqués par le poëte.

Mais quelle forme dramatique, quelles strophes et quels rhythmes seront capables de contenir ensuite des idées que les philosophes n’ont exposées jamais qu’à l’état de rêves fébriles ? Comme Faust lui-même decendant vers les Mères, la muse du poëte ne sait où poser le pied, et