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sophie a accompli de même et fermé le sien. Le doute qui en résulte pour le penseur n’est plus une lutte à soutenir, c’est un choix à faire ; et si quelque sympathie le décide à la fin pour la religion, on peut dire que son choix a été libre et qu’il avait clairement apprécié les deux côtés de cette suprême question.

La négation religieuse, qui s’est formulée en dernier lieu chez nous par Voltaire, et chez les Anglais par Byron, a trouvé dans Gœthe un arbitre plutôt qu’un adversaire. Suivant dans ses ouvrages les progrès ou, du moins, la dernière transformation de la philosophie de son pays, ce poëte a donné à tous les principes en lutte une solution complète qu’on peut ne pas accepter, mais dont il est impossible de nier la logique savante et parfaite. Ce n’est ni de l’éclectisme ni de la fusion ; l’antiquité et le moyen âge se donnent la main sans se confondre, la matière et l’esprit se réconcilient et s’admirent ; ce qui est déchu se relève ; ce qui est faussé se redresse ; le mauvais principe lui-même se fond dans l’universel amour. C’est le panthéisme moderne : Dieu est dans tout.

Telle est la conclusion de ce vaste poëme, le plus étonnant peut-être de notre époque, le seul qu’on puisse opposer à la fois au poëme catholique du Dante et aux chefs-d’œuvre de l’inspiration païenne. Nous devons regretter que la seconde partie de Faust n’ait pas toute la valeur d’exécution de la première, et que l’auteur ait trop tardé à compléter une pensée qui fut le rêve de toute sa vie. En effet, l’inspiration du second Faust, plus haute encore peut-être que celle du premier, n’a pas toujours rencontré une forme aussi arrêtée et aussi heureuse, et, bien que cet ouvrage se recommande plus encore à l’examen philosophique, on peut penser que la popularité lui manquera toujours.

Pour une telle œuvre, si vaste, si puissante, si impossible, — ce mot, qui n’est plus français, est peut-être encore resté allemand, — nous l’avons dit, il eût fallu que l’auteur n’eût pas attendu ses dernières années. Le second Faust, œuvre fort curieuse au point de vue de la critique littéraire, n’a plus l’intérêt ni même la valeur de