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HÉLÈNE.

Sans colère, mais en m’affligeant, je me place entre vous, vous interdisant la fureur d’une pareille lutte de paroles ; car rien n’est si nuisible au service des maîtres que la désunion des fidèles serviteurs. L’écho de ses ordres accomplis rapidement ne lui revient plus alors avec harmonie ; au contraire, autour de lui naît un bruit, un tumulte ; plus d’unité ; il s’y perd, c’est en vain qu’il gronde. Ce n’est pas tout : vous avez, dans votre colère sans frein, évoqué des images et des figures si fatales et si pleines d’horreur que je me sens poussée vers l’Orcus, en dépit des champs fleuris de ma patrie qui m’entourent. Est-ce bien le souvenir ? était-ce une illusion qui m’a saisie ? Étais-je tout cela ? le suis-je ? le serai-je à l’avenir, le rêve et le fantôme de ceux qui détruisent les villes ? Les jeunes filles frémissent ; mais, toi, la plus vieille, tu n’es pas émue. Parle donc, mais parle clairement.

PHORKYAS.

Celui qui se souvient du bonheur varié des longues années, celui-là croit que la plus grande faveur des dieux n’est qu’un rêve. Mais, toi, jouissant de si grandes faveurs, sans mesure et sans fin, tu n’as vu, ta vie durant, que des amoureux enflammés soudainement aux coups les plus audacieux. Déjà Thésée te saisit, de bonne heure excité par sa flamme ardente, fort comme Hercule, jeune homme aux formes belles et magnifiques.

HÉLÈNE.

Il me ravit ! moi, biche svelte de dix ans ! et le château d’Aphidné, dans l’Attique, me cacha.

PHORKYAS.

Alors, délivrée bientôt par Castor et par Pollux, tu fus entourée par l’élite des héros.

HÉLÈNE.

Cependant, je favorisai secrètement, comme je l’avoue volontiers, Patrocle, lui, l’image de Pelée !