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HÉLÈNE.

Ce que j’ai vu, vous le verrez de vos yeux, si la vieille nuit n’a pas englouti ces images dans la profondeur de son sein fécond en merveilles. Mais, pour que vous le sachiez, je vous le dis en ces termes. Lorsque j’entrai dans le premier espace intérieur de la maison du roi, marchant avec solennité, et me rappelant les premiers devoirs, je m’étonnai du silence des galeries désertes. Mon oreille ne fut point frappée du bruit de ceux qui marchent en travaillant ; mon regard cherchait en vain ces êtres empressés et remuants poussés par les occupations, et aucune servante n’apparut, aucune intendante, de celles qui viennent toujours pour saluer l’étranger ; mais, lorsque je m’approchai vers le siège du foyer, là, je vis, près des débris des cendres éteintes, assise à terre, oh ! quelle grande femme voilée ! non comme endormie, mais comme rêvant. Je l’appelle au travail du ton de quelqu’un qui croit voir l’intendante de la maison, que la précaution de mon époux avait peut-être placée là en attendant ; mais cette femme immobile reste assise enveloppée. Enfin elle remue, sur mes menaces, le bras droit, comme si elle me repoussait et du foyer et du portique.

Je me détourne d’elle avec colère, et je précipite mes pas vers les degrés où s’élève le Thalamos paré et placé près de la salle du trésor. Mais la vision se lève et saute brusquement de la terre ; me barrant le chemin en maîtresse, elle se montre dans sa taille décharnée, et le regard creux, sombre et sanguinaire ; singulière figure qui trouble et l’œil et l’esprit. Mais je parle en vain ; car la parole ne saurait construire des formes en créatrice. Tenez, la voilà elle-même ! elle ose se présenter au jour ! — Ici, nous sommes les maîtresses, jusqu’à l’arrivée de notre seigneur et de notre roi.

Phébus, l’ami de la beauté, repousse ces créations de la nuit, et les refoule dans les cavernes, ou bien il en triomphe.

PHORKYAS se montre sur le seuil entre les jambages des portes.