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me laisse me réchauffer contre son sein !… En sentirai-je moins sa misère ? Ne suis-je pas le fugitif… l’exilé ? le monstre sans but et sans repos… qui, comme un torrent mugissant de rochers en rochers, aspire avec fureur à l’abîme ?… Mais elle, innocente, simple, une petite cabane, un petit champ des Alpes ; et elle aurait passé toute sa vie dans ce monde borné, au milieu d’occupations domestiques. Tandis que, moi, haï de Dieu, je n’ai point fait assez de saisir ses appuis pour les mettre en ruines, il faut que j’anéantisse toute la paix de son âme ! Enfer ! il te fallait cette victime ! Hâte-toi, démon, abrège-moi le temps de l’angoisse ! que ce qui doit arriver arrive à l’instant ! Fais écrouler sur moi sa destinée, et qu’elle tombe avec moi dans l’abîme.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Comme cela bouillonne ! comme cela brûle !… Viens et console-la, pauvre fou ! Où une faible tête ne voit pas d’issue, elle se figure voir la fin. Vive celui qui garde toujours son courage ! Tu es déjà assez raisonnablement endiablé ! et je ne trouve rien de plus ridicule au monde qu’un diable qui se désespère.




Chambre de Marguerite.


MARGUERITE, seule, à son rouet.

Le repos m’a fuie !… hélas ! la paix de mon cœur malade, je ne la trouve plus, et plus jamais !

Partout où je ne le vois pas, c’est la tombe ! Le monde entier se voile de deuil !

Ma pauvre tête se brise, mon pauvre esprit s’anéantit !

Le repos m’a fuie !… hélas ! la paix de mon cœur malade, je ne la trouve plus, et plus jamais !

Je suis tout le jour à la fenêtre, ou devant la maison, pour l’apercevoir de plus loin, ou pour voler à sa rencontre !

Sa démarche fière, son port majestueux, le sourire de sa bouche, le pouvoir de ses yeux,