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»

avoir acquis une idée complète de l’original. Porté sur tel ouvrage traduit que ce soit, le jugement serait erroné ; il le serait surtout à l’égard de celui-ci, à cause de la perfection continue du style. Qu’on se figure tout le charme de l’Amphitryon de Molière, joint à ce que les poésies de Parny offrent de plus gracieux, alors seulement on pourra se croire dispensé de le lire. »

Je n’essaierai pas de donner ici une analyse complète de Faust. Assez d’auteurs l’ont jugé ; et il vaut mieux, d’ailleurs, laisser quelque chose à l’imagination des lecteurs, qui auront à la fin du livre de quoi l’exercer. Je les renvoie encore au livre de l’Allemagne, de Mme de Staël, dont je vais en attendant citer un passage :

..... « Certes, il ne faut y chercher ni le goût, ni la mesure, ni l’art qui choisit et qui termine, mais si l’imagination pouvait se figurer un chaos intellectuel, tel que l’on a souvent décrit le chaos matériel, le Faust de Goëthe devrait avoir été composé à cette époque. On ne saurait aller au-delà en fait de hardiesse de pensée, et le souvenir qui reste de cet écrit tient toujours un peu du vertige. Le diable est le héros de cette pièce ; l’auteur ne l’a point conçu comme un fantôme hideux, tel qu’on a coutume de le présenter aux enfans ; il en a fait, si l’on peut s’exprimer ainsi, le méchant par excellence, auprès duquel tous les méchans et celui de Gresset, en particulier, ne sont que des novices, à peine dignes d’être les serviteurs de Méphistophélès (c’est le nom du démon qui se fait l’ami de Faust). Goëthe a voulu montrer dans ce personnage, réel et fantastique tout à la fois, la plus amère plaisanterie que le dédain puisse