Page:Goethe-Nerval - Faust 1828.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.

années de bonheur, mais dont il vient de commencer le supplice éternel !… Si l’amour semble lui promettre toutes ses délices, une pensée affreuse va les convertir en tourmens. « En vain, dit-il, elle me réchauffera sur son sein, en serai-je moins le fugitif… l’exilé ?… le monstre sans but et sans repos… qui comme un torrent, mugissant de rochers en rochers, aspire avec fureur à l’abîme ; mais elle, innocente, simple, une petite cabane, un petit champ des Alpes, et elle aurait passé toute sa vie dans ce petit monde au milieu d’occupations domestiques. Tandis que moi, haï de Dieu, je n’ai point fait assez de saisir ses appuis pour les mettre en ruine, il faut que j’engloutisse toute la joie de son âme !… Enfer, il te fallait cette victime !… » etc.

Marguerite n’est pas une héroïne de mélodrame ; ce n’est vraiment qu’une femme, une femme comme il en existe beaucoup, et elle n’en touche que davantage. Trouverait-on sur la scène quelque chose de comparable à ses entretiens naïfs avec Faust, et surtout au dialogue si déchirant de la prison, qui termine la pièce ?

On s’étonnera qu’elle finisse ainsi, mais que pouvait-on y ajouter ?… peut-être le moment où Faust se livre à l’enfer : mais comment le rendre, et comment l’esprit humain pouvait-il supposer que l’enfer lui gardât encore une plus horrible torture ? D’un autre côté, le dénouement ainsi interrompu permet au lecteur la pensée consolante, que celui qui l’a intéressé si vivement par son génie et ses malheurs échappe aux griffes du démon, puisqu’un repentir suffirait pour lui reconquérir les cieux.

Tel n’est pas cependant le sort de Faust dans les