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l’idée qu’il avait formé réellement le projet de la réduire à une situation dont elle ne pouvait même pas soutenir la pensée ; mais elle rejetait bien vite ce soupçon comme indigne de son parent, et finissait par conclure que c’était seulement une tournure qu’il avait prise pour la mettre à l’épreuve. Toutefois, elle résolut de consulter sa fidèle amie, Mrs. Jakeman, à qui elle raconta tout ce qui s’était passé. Mrs. Jakeman vit les choses autrement qu’Émilie ne se les était figurées, et trembla pour la tranquillité future de sa chère pupille.

« Bon Dieu, ma chère maman ! s’écria Émilie (c’était le nom qu’elle aimait à donner à la bonne femme de charge), sûrement vous ne pouvez pas croire ce que vous dites… Mais cela m’est égal ; il arrivera ce qui pourra : je n’épouserai pas M. Grimes.

— Mais que ferez-vous pour l’empêcher ? mon maître vous y obligera.

— Comment ! Croyez-vous parler à un enfant ! N’est-ce pas à moi, et non à M. Tyrrel, que l’on veut donner, ce mari ? Pensez-vous que je laisserai personne choisir un mari pour moi ? Je ne suis pas assez simple pour cela.

— Ah ! Émilie, vous connaissez bien peu les désavantages de votre situation. Votre cousin est un homme violent, et il est capable de vous mettre hors de chez lui si vous le contrariez.

— Oh ! maman, ce n’est pas bien à vous de parler comme cela ; je suis sûre que M. Tyrrel est un bien bon parent, quoique de temps en temps un peu brusque. Il sait fort bien que dans une affaire