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Elle ne fut pas plus tôt arrivée au château, que M. Tyrrel accourut pour la recevoir. Il venait d’apprendre le triste événement qui avait eu lieu dans le village, et il tremblait pour son aimable cousine. Sa vue lui causa une de ces émotions involontaires qui sont communes à presque tous les individus de l’espèce humaine. Il était tourmenté de la crainte qu’Émilie ne fût victime d’une catastrophe survenue au milieu de la nuit. Agréablement rassuré à sa vue, il la serra dans ses bras avec cette joie réelle qui succède à une effrayante incertitude. Émilie ne se vit pas plus tôt rendue au lieu de sa demeure, qu’elle oublia tout ce qu’elle avait souffert ; dans l’exaltation de son âme, sa langue ne se lassait pas de parler de son danger et de sa délivrance. Elle avait déjà plus d’une fois mis M. Tyrrel à la torture par les louanges qu’elle prodiguait innocemment à M. Falkland ; mais ce n’était rien en comparaison de son enthousiasme. L’amour n’agissait pas sur elle, dans cette circonstance, comme il eût fait sur une personne accoutumée à rougir et qui aurait eu dans le cœur moins d’innocence. Elle exalta l’activité de Falkland, sa promptitude à concevoir, sa prudence courageuse à exécuter. Dans son récit naïf, tout était féerie et enchantement ; on y voyait un génie bienfaisant qui surveillait et dirigeait tout ; mais on ne pouvait rien deviner des moyens humains qui avaient servi à l’accomplissement de ses desseins

M. Tyrrel écouta pendant quelque temps avec patience les effusions de ce cœur innocent ; il supporta même d’entendre applaudir l’homme duquel