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qui se déployait à ses yeux, et comme pour en jouir à son aise, il cessa tout d’un coup la conversation. Ils n’avaient fait que quelques pas lors qu’un vent sourd et impétueux parut s’élever à quelque distance, et qu’ils entendirent comme les mugissements de la mer. À l’instant, sur un des côtés de l’horizon le ciel prit une teinte rougeâtre, et la route faisant alors un coude, ce phénomène se trouva directement devant eux. À mesure qu’ils avançaient, il parut plus distinctement, et à la fin ils ne purent plus douter qu’il ne fût causé par un incendie. M. Falkland pressa son cheval, et plus ils approchaient, plus l’objet d’un moment à l’autre prenait un caractère effrayant : les flammes s’élançaient avec fureur ; elles embrasaient une vaste partie de l’horizon ; et, comme elles entraînaient avec elles une grande quantité de petits fragments embrasés et étincelants, elles présentaient une image de l’éruption d’un volcan.

Le feu venait d’un village qui était directement sur leur route. Il y avait déjà huit ou dix maisons embrasées, et le reste paraissait menacé d’une destruction prompte et inévitable. Les habitants, qui n’avaient jamais éprouvé une semblable calamité, étaient dans la dernière consternation. Ils transportaient précipitamment leurs meubles et leurs effets dans les champs voisins. Quand ils avaient rempli ce triste soin, autant qu’ils le pouvaient avec sûreté, ils étaient hors d’état d’imaginer d’autre remède à leur désastre, et ils restaient à contempler les ravages du feu en se tordant les bras et dans les an-