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les deux parties à cette disposition réciproque qui a eu des conséquences si fatales. Mais ce qui me reste à dire est rapide, épouvantable. Le dénoûment de ce drame de mort s’avance irrésistible, défiant toute sagesse et toute force humaines de l’arrêter.

Les vices de M. Tyrrel, en se multipliant sans cesse, pesaient plus particulièrement sur ses domestiques et les personnes dans sa dépendance. Mais celle qui en eut le plus à souffrir était la jeune orpheline, fille d’une sœur de son père et dont j’ai déjà parlé. La mère de miss Melville s’était mariée imprudemment, ou plutôt malheureusement, contre l’aveu de ses parents, et tous s’étaient accordés, d’après cette démarche, à lui retirer entièrement leur appui. Son mari s’était trouvé n’être qu’un véritable aventurier ; il avait dissipé toute la fortune de sa femme, que la haine irréconciliable de la famille avait diminuée fort au-dessous de ses espérances, et l’infortunée était morte de douleur. Sa fille était restée encore enfant sans aucune ressource au monde. Dans cette situation, les personnes auprès desquelles elle se trouva être placée parvinrent à obtenir de Mrs. Tyrrel qu’elle reçût cette jeune orpheline dans sa maison. En équité, peut-être celle-ci avait droit à cette portion de fortune dont sa mère avait été privée par son imprudence, et qui était allée grossir la part de la ligne masculine. Mais cette idée n’était jamais venue dans la tête ni de la mère, ni du fils : Mrs. Tyrrel s’imaginait faire un acte signalé de bienfaisance en donnant à miss Émilie, dans sa maison, une sorte d’état équivoque, qui n’était pas