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M. Tyrrel, avec sa brutalité sauvage et le peu de culture de son esprit, avait, comme cela est fort ordinaire, certaines idées religieuses assez grossières. Il disait encore :

« À coup sûr il en aurait eu quelque honte s’il eût mieux connu son état. Ah ! son âme a un compte à rendre ; il a cruellement aidé à troubler mon repos ; et, quelles qu’en puissent être les conséquences, c’est à lui que nous en aurons l’obligation. »

La mort de M. Clare enleva la personne qui pouvait modérer le plus efficacement l’animosité des deux rivaux et détruisit le frein qui prévenait les derniers excès de M. Tyrrel. L’ascendant moral de son illustre voisin avait toujours tenu le tyran rustique sous un joug involontaire ; et, malgré la férocité habituelle de son caractère, il n’avait pas paru, avant ces derniers instants, porter de la haine à M. Falkland. Dans le peu de temps qui s’était écoulé depuis l’époque où M. Clare avait fixé sa résidence dans le canton, jusqu’au retour de M. Falkland du continent, la conduite de M. Tyrrel semblait même avoir gagné quelque chose en mieux. Car, tel était l’avantage des manières séduisantes de Clare, qu’il se conciliait ceux mêmes qu’il contenait, et que ceux dont les actions étaient les plus contraintes par la crainte de lui déplaire n’en éprouvaient pas de sentiment pénible contre lui. Ce n’est pas que M. Tyrrel n’eût préféré de ne pas voir un homme aussi distingué prendre son rang dans un cercle où depuis longtemps il régnait en maître. Mais avec une personne telle que M. Clare, il ne