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non plus entendre votre défense. Dans ce moment-ci je suis venu pour vous parler, et non pas pour vous écouter. J’ai cru à propos de vous avertir de votre danger ; mais je n’ai rien de plus à faire pour le présent. Réservez pour un autre moment ce que vous avez à dire ; arrangez votre défense du mieux qu’il vous sera possible ; qu’elle soit vraie, si la vérité, comme je l’espère, peut vous amener à votre but, sinon la plus plausible et la plus ingénieuse que vous pourrez l’imaginer. Le soin de notre propre défense exige le concours de tous nos moyens ; un homme qui se trouve mis en jugement a tout le monde contre lui, et reste seul contre tout le monde. Adieu, que le ciel vous envoie une heureuse délivrance. Si l’accusation de M. Falkland, quelle qu’elle soit, n’était que l’effet de la précipitation, comptez sur moi comme sur un ami plus zélé que jamais ; sinon, voici le dernier témoignage d’amitié que vous recevrez de moi. »

On peut croire que cette harangue si singulière, si grave, si chargée de menaces conditionnelles, n’était guère propre à calmer l’anxiété de mon âme. J’ignorais totalement les griefs qu’on m’imputait, et ce n’était pas un petit sujet de surprise pour moi, tandis qu’il était en mon pouvoir d’être pour M. Falkland le plus formidable des accusateurs, de voir cependant tous les principes de l’équité assez complétement renversés pour que l’homme innocent et muni d’une arme aussi forte fût la partie accusée et souffrante, au lieu d’avoir, comme il était juste, le véritable criminel à sa merci. J’étais encore plus étonné de cette puissance surnaturelle qui semblait