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était capable de ramener, d’un bout de la terre à l’autre, celui à qui elle était adressée. Mon âme était pleine de confiance et d’énergie. J’étais sûr de mon innocence et bien résolu à la prouver. Tout à l’heure je consentais à être fugitif dans le monde ; je me réjouissais même d’errer sans secours et sans autre ressource que mon industrie. Jusque-là je laissais faire Falkland : je lui abandonnais les biens de la fortune. Mais ma liberté, mais mon honneur, c’était bien différent ! « Je ne souffrirai pas, dis-je, qu’il souille mon nom ! »

Je repassai dans mon esprit chaque incident remarquable qui avait pu m’arriver dans la maison de M. Falkland. Excepté l’affaire du coffre mystérieux, je ne me rappelais rien dont on pût faire sortir l’ombre d’une accusation criminelle. Dans cette affaire, ma conduite, sans nul doute, avait été extrêmement répréhensible, et je n’y avais jamais pensé sans me la reprocher vivement. Mais je ne voyais pas que cette action fût de la nature de celles qu’on peut soumettre à la censure des lois. Bien moins encore pouvais-je me persuader que M. Falkland, que la seule possibilité de se voir découvert faisait frissonner, et qui devait se regarder comme entièrement à ma discrétion, osât jamais mettre en avant un fait si étroitement lié avec la cause de ses éternelles angoisses. En un mot, plus je méditais sur les expressions du billet de M. Forester, moins je pouvais m’imaginer la nature des scènes dont elles étaient en quelque sorte le prélude.

Toutefois, le mystère caché sous ces expressions