Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/294

Cette page a été validée par deux contributeurs.

me fut faite par le cavalier, qu’aussitôt j’eus l’esprit frappé de l’affreuse certitude de tout ce que je craignais. Tout incident qui avait quelque liaison avec la situation à laquelle je venais d’échapper était fait pour me glacer d’effroi. Ma première idée fut de m’enfuir à travers champs et de me fier pour ma sûreté à la vitesse de mes jambes ; mais la chose n’était guère praticable ; je remarquai que mon adversaire était seul, et il me sembla que d’homme à homme je pouvais raisonnablement espérer, de manière ou d’autre, de m’en débarrasser, soit par une ferme résolution, soit par les ressources de mon esprit.

Cette détermination prise, je lui répondis d’un ton brusque et résolu que j’étais bien celui qu’il avait nommé. « Je devine, ajoutai-je, pourquoi vous venez, mais c’est inutile ; vous voudriez me ramener au château de Falkland, mais on ne m’arrachera jamais en vie de l’endroit où nous sommes. Je n’ai pas pris mon parti avant d’y avoir bien réfléchi, ni sans avoir de fortes raisons ; et, puisque je l’ai pris, l’univers entier ne me le ferait pas changer. Je suis Anglais ; et, Dieu merci, le privilège d’un Anglais, c’est d’être seul maître et seul juge de ses actions.

— Hé ! là, là, me dit-il, calmez-vous un peu. Pourquoi, diable ! vous presser si fort de deviner mes intentions et de me dire les vôtres ? Mais, au reste, vous avez deviné juste, et peut-être avez-vous à vous applaudir de ce qu’il n’y a rien de plus fâcheux pour vous dans ma commission. Ce qu’il y a de sûr, c’est que M. Falkland compte bien que