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à tous les divers sujets de distraction qui s’offraient à moi. Je m’arrêtais ou bien je poursuivais ma route, suivant l’impulsion du moment. Tantôt, couché sur une butte de terre, je restais plongé dans une douce rêverie ; tantôt j’examinais en détail tous les sites qui se succédaient les uns aux autres. Les brouillards du matin se dissipèrent, et firent place à un ciel pur. Avec cette souplesse d’imagination qui caractérise si bien la jeunesse, j’oubliai en un instant les alarmes qui étaient depuis longtemps mes compagnes inséparables, et je vis l’avenir se déployer devant moi sous mille formes toujours nouvelles. À peine si, dans tout le cours de mon existence, j’ai passé une journée de jouissances plus délicieuses et plus variées… Contraste marqué et peut-être salutaire avec les terreurs qui l’avaient précédée et les scènes qui devaient la suivre.

J’arrivai le soir au lieu de ma destination ; je m’informai de l’auberge où la diligence avait coutume de s’arrêter. Comme j’entrais dans la cour, je fus abordé par un homme à cheval qui y entrait au même instant, et qui me demanda si je ne m’appelais pas Williams.

Quoiqu’il fît déjà presque nuit quand j’avais gagné l’entrée de la ville, j’avais remarqué ce même homme qui venait en sens contraire au mien, et m’avait croisé à environ un demi-mille de là. Il m’avait lui-même observé avec un air de curiosité qui m’avait déplu, et, autant que j’avais pu le distinguer, il m’avait paru d’assez mauvaise mine. Il n’y avait pas deux minutes qu’il m’avait dépassé,