Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/284

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nutes, je reconnus son pas, que je distinguais à merveille, dans le corridor du salon. À l’instant même il s’arrêta, et je l’entendis qui parlait à quelqu’un, d’un ton assez délibéré, quoiqu’en baissant un peu la voix ; mais, par mon nom qu’il répéta à plusieurs fois, je compris qu’il s’informait de moi. Alors, conformément au plan auquel j’avais cru devoir m’arrêter, je posai ma lettre sur la table à l’endroit où il avait coutume de s’asseoir, et je sortis par une porte au moment où il entrait par l’autre. Cela fait, je me retirai, dans l’attente de l’événement, dans une petite pièce qui formait cabinet au bout de la bibliothèque, et où je me tenais assez souvent.

Il n’y avait que trois minutes que j’y étais, quand j’entendis la voix de M. Falkland qui m’appelait. Je vins à la bibliothèque, où il était. Il avait l’air d’un homme qui médite quelque acte terrible, et qui cherche à se donner un extérieur d’indifférence et d’insensibilité. J’éprouvai à cet aspect une sensation d’horreur inexprimable et une fatale anxiété : « Voici votre lettre, dit-il en la jetant. Mon garçon, continua-t-il, je crois, que vous m’avez montré à peu près tous vos tours, et que la farce est bientôt à sa fin. Avec vos singeries et vos absurdités, vous m’avez pourtant appris quelque chose ; c’est, qu’au lieu de m’en tourmenter comme j’ai fait, je ne broncherai pas, à présent, plus qu’un éléphant. Je vous écraserai avec la même indifférence que j’aurais à l’égard de tout autre insecte qui troublerait ma tranquillité.

» Je ne sais ce qui a donné lieu à votre entrevue