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pour jamais ; et quand j’entrai dans ma chambre, je me regardai comme dans un cachot. Je songeai que j’étais à la merci d’un homme furieux de ma désobéissance et rendu cruel par des homicides successifs. Quelquefois je m’étais bercé des plus brillantes chimères ; j’avais rêvé les plaisirs, l’autorité, les honneurs m’environnant au milieu de ma carrière. Eh ! qui n’en a fait autant ? surtout quand on est né avec une imagination aussi active et une âme aussi ardente que la mienne. Ces riantes perspectives se fermaient pour jamais ; je tombais à l’entrée de cette carrière que j’avais parcourue si longtemps en imagination, avec d’inexprimables délices ; ma mort pouvait n’être différée que de quelques heures. J’étais la victime sacrifiée au tourment d’une conscience coupable ; j’allais être effacé de la liste des vivants, et mon sort resterait enseveli dans un secret éternel ; l’homme qui allait ajouter mon homicide à tous ses crimes passés, se montrerait le lendemain au public, et recevrait encore les applaudissements et les témoignages de l’admiration des hommes.

Au milieu de toutes ces épouvantables images, une idée vint adoucir un peu ma souffrance ; c’était le souvenir de cette tranquillité si étrange et si inexplicable qu’avait montrée M. Falkland au moment où il m’avait découvert en tête-à-tête avec M. Forester. Ce n’est pas que j’y fusse trompé ; je savais fort bien que ce calme était passager et qu’il serait suivi d’une tempête horrible. Mais un homme poursuivi par des terreurs telles que les miennes,