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venais de lui dire, et puis me demanda quelle raison j’avais de me plaindre de M. Falkland ? Je répliquai que je conservais le plus profond respect pour mon maître, que j’admirais ses rares et excellentes qualités, que je le regardais comme né pour le bonheur de l’espèce humaine, que je serais à mes propres yeux le dernier des hommes si je me permettais un seul mot qui fût à son désavantage ; mais que tout cela ne servait à rien, que je ne pouvais lui convenir, que peut-être je ne valais pas assez pour lui, et qu’enfin, quoi qu’on pût dire, j’étais certain d’être toujours malheureux tant que je resterais dans sa maison.

J’observai que M. Forester m’examinait avec beaucoup de curiosité et de surprise ; mais je ne crus pas à propos de paraître y faire attention. Revenu à lui-même, il me demanda pourquoi, la chose étant ainsi, je ne quittais pas son service. Je lui répondis qu’il touchait là le point qui contribuait le plus de tous au malheur de ma position, que M. Falkland n’ignorait pas combien mon sort actuel me déplaisait : peut-être lui paraissais-je déraisonnable, injuste ; mais je savais très-bien qu’il n’en viendrait jamais à donner son consentement à ce que je m’en allasse de chez lui.

M. Forester m’interrompit alors, et me dit en souriant que je me créais des fantômes et que je m’exagérais mon importance, ajoutant qu’il se chargerait de lever la difficulté, ainsi que de me procurer une place qui me fût plus agréable. Son offre m’alarma sérieusement. Je répliquai que je le sup-