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Je continuai donc à rechercher avec empressement la société de M. Forester ; et c’est la nature d’une intimité qui ne va pas en déclinant d’augmenter toujours progressivement. M. Falkland en fit l’observation, et son trouble fut visible. Toutes les fois que je m’apercevais de ce trouble et que j’en devinais la cause, je ne pouvais m’empêcher de témoigner quelque confusion ; ce qui ne tendait nullement à calmer son anxiété. Un jour il me tira à part, et avec un regard à la fois mystérieux et terrible, il me parla ainsi :

« Jeune homme, j’ai un avis à vous donner. C’est peut-être la dernière fois que vous pourrez le recevoir. Je n’entends pas être toujours le jouet de votre simplicité et de votre inexpérience ; je ne veux pas que votre faiblesse triomphe de ma force. Ne plaisantez point avec moi. Vous ne vous doutez guère de l’étendue de ma puissance. Dans ce moment les pièges de ma vengeance vous environnent de toutes parts ; ils vous enveloppent sans que vous puissiez les apercevoir, et ils vous saisiront au moment où vous vous croirez le plus à l’abri de leur atteinte. Vous n’êtes pas plus sous la main toute-puissante de Dieu que sous la mienne. Si vous risquez seulement de me toucher du bout du doigt, des heures, des mois, des années de tortures dont vous ne pouvez vous faire la moindre idée, seront le châtiment de votre témérité. Souvenez-vous en. Je ne parle pas en vain. Il n’y a pas un mot de ce que je vous dis qui ne soit exécuté dans toute sa rigueur si vous osez me provoquer. »