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soumis. Mais quand il alla plus loin et en vint à me prescrire ma conduite article par article, je sentis que ma patience était à bout. Dans la malheureuse situation où m’avait réduit mon imprudence, je commençais à voir l’avenir avec un nouveau degré d’alarme. M. Falkland n’était pas un vieillard ; il jouissait d’une santé robuste, quoiqu’elle pût paraître altérée. Il pouvait vivre aussi longtemps que moi. J’étais son prisonnier, et quel prisonnier ! Toutes mes actions étaient épiées, ainsi que tous mes gestes. Je ne pouvais faire un mouvement à droite ou à gauche, que l’œil de mon gardien ne fût ouvert sur moi : sa vigilance était une torture pour mon cœur. Il n’y avait pour moi plus de liberté, plus de gaieté, plus d’insouciance, plus de jeunesse. Était-ce là cette vie où j’étais entré avec des espérances si flatteuses ? Devais-je passer mes jours dans cette sombre réclusion, comme un esclave dont la mort ou celle de son maître pouvaient seules briser les chaînes ?

J’avais tout osé pour satisfaire une curiosité puérile et déraisonnable ; j’étais déterminé à m’exposer avec non moins de résolution, s’il le fallait, pour la défense du premier bien de la vie. Au reste, j’étais disposé à traiter à l’amiable d’une conciliation de nos intérêts ; je consentais volontiers à l’engagement que M. Falkland n’aurait jamais rien à redouter de ma part ; mais en revanche j’attendais aussi que je n’aurais à souffrir aucune usurpation sur mes droits, et qu’on me laisserait suivre la direction de mon propre jugement.