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mon âge j’irais faire le philosophe et m’appliquer sans cesse à plier tous mes penchants à une volonté étrangère. Quelle que fût l’imprudence que j’avais à expier, pouvais-je m’assujettir volontairement à une pénitence éternelle et me séquestrer moi-même de tout commerce avec les vivants ? Pouvais-je repousser des avances dont la franchise était si bien à l’unisson de mon âme, et répondre par des froideurs à des démonstrations d’amitié dont mon cœur était ravi ?

Outre cela, j’étais fort mal préparé pour la soumission servile qu’exigeait M. Falkland. Dans les premières années de ma vie, j’avais été habitué à être à peu près mon maître. Quand j’étais entré au service de M. Falkland, mes habitudes personnelles avaient un peu cédé à la nouveauté de ma position, et les hautes qualités de mon protecteur avaient gagné toutes mes affections. À la nouveauté et à son influence avait immédiatement succédé la curiosité. La curiosité, tant qu’elle avait duré, avait été en moi un principe plus puissant que l’amour même de l’indépendance. J’aurais sacrifié à cette passion ma liberté et ma vie ; je me serais soumis à la condition d’un nègre des colonies ou aux tortures infligées par les sauvages de l’Amérique du Nord ; mais maintenant l’effervescence de la curiosité était passée.

Tant que les menaces de M. Falkland s’étaient bornées à des termes généraux, je les avais endurées. Je sentais toute l’inconvenance de l’action que j’avais commise, et ce sentiment me rendait