Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/263

Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus à ce marché ; il revenait à ses habitudes, et agissait à peu près comme il aurait fait si M. Forester n’eût pas été au monde. Mais pour celui-ci, tout était perte ; il avait tous les désavantages de la retraite, sans pouvoir, comme il aurait fait chez lui, s’entourer de ses compagnons et de ses amusements ordinaires.

Dans cette situation, il jeta les yeux sur moi. C’était sa maxime de faire tout ce que lui dictait sa volonté, sans s’embarrasser des usages du monde. Il ne voyait pas de raison pour qu’un paysan qui avait quelque éducation ne fût pas une aussi bonne compagnie qu’un grand seigneur, en même temps qu’il était pénétré cependant d’une vénération profonde pour les anciennes institutions. Réduit donc, comme il l’était, à user de sa dernière ressource, il me trouva plus propre à ses vues qu’aucun autre des gens de la maison.

La manière dont il entama cette espèce de commerce entre nous ne laissa pas d’être assez caractéristique ; et, quoique un peu brusque, elle portait l’empreinte de la véritable bonté. Son début eut tout l’air d’une boutade ; mais il y avait quelque chose d’engageant dans cette rusticité même par laquelle il semblait vouloir descendre dans une classe au-dessous de la sienne. J’avais besoin qu’il me fît des avances ; lui-même avait aussi à prendre sur lui, non pas de mettre de côté la vanité aristocratique, car il n’en avait qu’une très-petite dose, mais de me faire la première ouverture, car il ne pouvait pas souffrir la gêne. Tout cela produisit un