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ce que sa tendresse put lui suggérer, il retira toutes ses batteries, en murmurant de son peu de succès, mais plutôt mécontent de l’impuissance de ses efforts que piqué de l’obstination de M. Falkland. Son affection pour celui-ci n’en souffrit aucune diminution, et il éprouvait une peine réelle de lui avoir fait si peu de bien. Dans cette rencontre, les deux parties rendirent réciproquement justice à leur mérite respectif, en même temps que la disparité d’humeur s’opposait à ce qu’il pût en résulter le moindre effet. À peine y avait-il un seul point de contact dans leurs caractères. M. Forester n’était pas dans le cas de causer jamais à M. Falkland ce degré de plaisir ou de peine qui fait sortir l’âme de sa tranquillité et peut lui faire perdre un moment l’empire d’elle-même.

Notre nouveau commensal était d’une humeur très-communicative, et singulièrement disposé à causer, toutes les fois qu’il n’avait ni interruption ni contradictions à redouter. Il ne tarda pas à sentir qu’il était tout à fait hors de son élément. M. Falkland s’était voué à une vie solitaire et contemplative. À l’arrivée de son parent, il s’était bien un peu contraint, quoique même alors son goût favori perçât à tout moment. Mais quand ils se furent vus pendant quelque temps et qu’il fut bien évident que leur compagnie était, pour l’un comme pour l’autre, un fardeau plutôt qu’un plaisir, ils convinrent, par une sorte de convention tacite, de se laisser mutuellement en liberté de suivre leur inclination. Dans un sens, M. Falkland gagnait le