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nant bien garde de lui donner un avantage en trahissant la partialité qu’il inspirait. Sous cet extérieur peu engageant, M. Forester cachait un cœur bon et généreux. On le jugeait mal au premier abord ; mais il gagnait beaucoup à être connu. Bientôt sa rudesse ne paraissait plus qu’une habitude ; son bon sens et sa bienveillance l’emportaient sur ses défauts dans le souvenir de ses amis. Lorsqu’il daignait mettre de côté ses demi-phrases brusques et mordantes, sa conversation devenait facile, amusante et instructive ; il savait, par un heureux choix d’expressions, faire ressortir la finesse de son observation et la force de son jugement.

Les particularités du caractère de ce gentilhomme ne manquèrent pas de se manifester dans la nouvelle maison où il se trouva introduit. Étant naturellement bienveillant, il fut bientôt vivement touché de la situation malheureuse de son parent. Il fit tout ce qu’il put pour y porter remède ; mais il y avait de la rudesse et de la gaucherie dans ses tentatives. Il n’avait pas cette douce éloquence de l’âme, qui fût peut-être parvenue à arracher pendant quelques moments M. Falkland à ses angoisses. Il exhortait son hôte à se faire une raison, à s’armer de courage, à prendre le dessus sur le maudit démon qui le subjuguait. Le ton de ces exhortations ne trouvait pas de cordes à son unisson dans le cœur de M. Falkland. Il n’avait pas assez d’adresse pour faire pénétrer la conviction dans un jugement aussi fortement obsédé par l’erreur. En un mot, après avoir tenté sur ce cœur malade tout