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guère que du mépris et qui est plutôt l’indice d’une légèreté naturelle que du contentement de l’âme. Sa gaieté n’était jamais sans quelque dignité ; c’était la gaieté des nobles cœurs et des hautes intelligences comme voilée d’une nuance de raison et de sentiment, elle ne s’écartait jamais du goût ni de la décence. Telle qu’elle était cependant, cette gaieté annonçait une humeur naturellement enjouée, qui donnait un charme extraordinaire à sa conversation. Sa présence faisait les délices de tous les cercles. Croyez-moi, mon cher Williams, vous ne voyez plus qu’un fantôme de ce Falkland recherché par les hommes de mérite et adoré des femmes. Sa jeunesse, dont le début éclatant avait donné les plus hautes espérances, s’est flétrie soudain. Sa sensibilité a été paralysée par une suite d’événements de la nature la plus mortifiante et la plus cruelle pour une âme comme la sienne : après s’être nourri des rêves d’un honneur visionnaire, il prétend que la blessure reçue par son orgueil n’a plus laissé survivre que la partie la plus grossière, l’enveloppe purement matérielle Falkland. »

Ces réflexions de mon ami Collins ne servirent qu’à irriter ma curiosité, et je le pressai d’entrer dans une explication plus étendue. Il ne se fit pas beaucoup prier, pensant bien que, quelque réserve qu’il se fût imposée sur cet article, sa discrétion eût été déplacée à mon égard, et regardant comme assez probable que, sans l’état de trouble et d’agitation où il était, M. Falkland lui-même aurait été disposé à me faire la même confidence. Afin de