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sommeil pour toi. J’étais tourmenté par le poids d’un secret qui devait à jamais peser sur mon âme, et ce sentiment était pour moi la source d’une mélancolie continuelle. Je m’étais rendu prisonnier, dans le sens le plus intolérable de ce mot, et cela pour des années, pour le reste de ma vie peut-être. En supposant même ma prudence et ma discrétion infaillibles, j’étais condamné à sentir constamment à mes côtés un surveillant vigilant, infatigable, sans cesse éveillé par le cri de sa conscience coupable, sans cesse animé par le ressentiment des moyens inexcusables par lesquels j’avais arraché son affreux secret, et disposé au moindre caprice à prononcer en maître absolu sur tout ce que j’avais de plus cher. Ce n’est rien que la vigilance d’un despotisme public et organisé, comparée à celle qu’aiguillonnent ainsi les passions les plus actives d’une âme inquiète et jalouse. Je ne savais quel refuge implorer contre un pareil genre de persécution. Je n’osais ni fuir l’œil de mon observateur, ni rester exposé à sa sinistre vigilance. À la vérité, je fus bercé d’abord jusqu’à un certain point par des idées de sécurité jusqu’au bord du précipice. Mais il ne se passa guère de temps sans que je fusse, à toute heure, averti de ma véritable position par mille circonstances. Parmi les plus mémorables sont celles que je vais rapporter.