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reprenais-je. Il pourrait pourtant encore être le plus excellent des hommes, s’il voulait seulement se regarder comme tel. Suffit-il donc de nous juger nous-mêmes vicieux pour nous rendre vicieux ? »

Au milieu du désordre d’idées que me causait cette conviction affreuse, à laquelle, au milieu de tous mes soupçons, je n’avais jamais osé m’arrêter jusqu’alors, je trouvais encore de nouveaux motifs d’admirer mon maître. À la vérité, ses menaces étaient terribles ; mais quand je réfléchissais sur mon procédé si offensant, si contraire à tous les principes de la société, si insolent et si dur, si insupportable pour un homme du rang de M. Falkland et dans une situation comme la sienne, j’étais encore surpris de sa patience. Il y avait bien, il est vrai, des raisons assez sensibles de ce qu’il n’avait pas voulu prendre un parti extrême contre moi ; mais, après tout, que sa conduite était calme et mesurée, que son langage était plein de modération, en comparaison des craintes sinistres que mon imagination avait conçues ! À cet égard, je me crus quitte pour un moment de tous les maux dont l’attente m’avait fait trembler, et je m’imaginai qu’ayant affaire à un homme aussi noble et aussi généreux que M. Falkland, je n’avais rien de rigoureux à craindre.

« C’est, me disais-je, une perspective effrayante qu’il veut tenir sans cesse devant mes yeux. Il croit que je ne suis retenu par aucun principe, que je suis insensible à l’excellence de ses qualités personnelles ; mais je veux qu’il reconnaisse qu’il s’est mépris sur