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triste régnait dans tout son maintien. Pour le moment on n’y découvrait rien de sombre, d’altier ni de sévère. Lorsque j’entrai, il leva les yeux, et, voyant que c’était moi, il m’ordonna de fermer la porte en dedans. J’obéis ; lui-même il fit le tour de la chambre et examina avec soin toutes les autres issues. Je tremblais de tout mon corps : je me disais en moi-même : « Quelle scène sanglante Roscius se prépare-t-il à jouer ? »

« Williams, me dit-il d’un ton qui annonçait plutôt la douleur que le ressentiment, j’ai attenté à votre vie ! je suis un misérable voué au mépris et à l’exécration des hommes ! »

Il s’arrêta un moment avant de poursuivre en ces termes :

« S’il y a sur toute la terre un être capable de sentir plus vivement qu’un autre le mépris et l’exécration qui me sont dus, c’est moi-même. J’ai été longtemps dans un état de torture continuelle et livré à la plus affreuse démence. Mais je puis mettre un terme à cet état et à ses conséquences ; au moins en ce qui regarde mes relations avec vous, je suis déterminé à le faire. Je connais tout le prix qu’il y faut mettre et… et mon parti est pris.

« Je veux votre serment, ajouta-t-il, il faut vous engager par tout ce qu’il y a de plus sacré au ciel et sur la terre, de ne jamais dévoiler ce que j’ai à vous dire… » Il dicta la formule du serment, et je la répétai à contre-cœur. Je n’avais pas la force d’objecter un mot.

« Cette confidence, dit-il, c’est vous qui l’avez