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continuelle qui est ensuite devenue l’unique affaire du reste de mes jours. Mon offense fut courte, hélas ! aucune intention sinistre ne l’aggrava ; mais que les terribles représailles qu’elle me coûte sont longues ! Elles ne peuvent se terminer qu’avec ma vie.

L’état dans lequel je me trouvai, quand le souvenir de ce que j’avais fait revint se présenter à moi, ne me permettait de rien résoudre. Tout était chaos et incertitude au dedans de moi. L’effroi qui enveloppait toutes mes pensées ne leur laissait aucune activité. Je sentis que mes facultés intellectuelles m’avaient abandonné, que les ressorts de mon âme étaient paralysés, et que j’étais réduit à attendre en silence l’orage d’infortunes qui m’était réservé. J’étais comme un homme qui, frappé de la foudre et privé pour jamais de la force de se mouvoir, aurait encore néanmoins conservé le sentiment de son immobilité. Un désespoir mortel était la seule idée dont je fusse capable.

Tel était encore la situation de mon âme, quand M. Falkland m’envoya chercher. Ce message me tira de mon angoisse ; en revenant à moi, j’éprouvai ces sensations de malaise et de dégoût qu’on pourrait supposer dans un homme qui reviendrait du sommeil de la mort. Je recouvrai par degrés la faculté de recueillir mes idées et de diriger mes pas. J’appris que M. Falkland s’était retiré dans sa chambre aussitôt que le feu avait cessé. La soirée était déjà avancée quand il me fit appeler.

Je le trouvai avec tous les signes du dernier abattement, si ce n’est qu’un air de dignité calme et