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qu’il avait aperçues de fort loin. À l’instant le couvercle m’échappe des mains et retombe. Il ne me voit pas plutôt que la rage étincelle dans ses regards. Il court à une paire de pistolets chargés qui étaient sur une table, en saisit un, et me le présente à la tête. Je vis son dessein, et m’esquivai pour l’éviter ; mais, abandonnant sa résolution aussi rapidement qu’il l’avait formée, il court à la fenêtre et décharge le pistolet dans la cour. Il m’ordonne de sortir avec cet accent énergique et irrésistible qui lui était ordinaire ; et moi, confondu déjà par la honte d’avoir été surpris dans une telle action, j’obéis sur-le-champ.

L’instant d’après, une partie considérable de la cheminée vint à s’écrouler avec fracas dans la cour, et une voix s’écria que le feu était plus violent que jamais. Ces circonstances eurent l’air de produire sur mon maître un effet machinal ; après avoir fermé le cabinet, il paraît aussitôt en dehors de la maison, monte sur le toit et en un moment se montre partout où sa présence peut sembler nécessaire. Bientôt le feu fut totalement éteint.

Il serait difficile au lecteur de se former une idée de l’état où je me trouvais alors réduit. Ce que j’avais fait était en quelque sorte un acte de démence ; mais quand j’y reportais ma pensée, quel sentiment inexprimable que celui que j’éprouvais ! c’était un premier mouvement, une impulsion du moment, une aliénation d’esprit passagère ; mais que penserait M. Falkland de cette aliénation d’esprit ? Pour tout le monde, quelqu’un qui s’est une fois montré