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avait existé entre lui et le mort ; il avoua même que ce dernier était le plus grand ennemi qu’il eût eu au monde. C’était, à la vérité, son seul ennemi, et il lui était impossible de dire la cause de cette inimitié. Il avait fait tous les efforts imaginables pour apaiser son animosité, mais sans succès. Le défunt avait cherché sans cesse les occasions de le mortifier et de lui jouer de mauvais tours ; mais lui, il avait pris la ferme résolution de ne jamais entrer en querelle avec cet homme, et jusqu’à ce moment-là il y avait toujours réussi. Si le malheur qui lui était arrivé eût eu lieu avec toute autre personne, au moins on aurait pu penser que c’était un accident ; mais dans la conjoncture présente il sentait bien que tout le monde croirait qu’il avait agi par préméditation et par esprit de vengeance.

Le fait était que lui et sa maîtresse étaient allés à une foire voisine, où ils avaient été rencontrés par cet homme. Celui-ci avait souvent cherché à l’insulter, et, ayant pris sa patience et sa modération pour de la lâcheté, avait été encouragé par là à redoubler de grossièreté et de mauvais procédés. Enfin, voyant que l’accusé avait enduré, sans se fâcher, plusieurs insultes personnelles, sa brutalité s’était soudain tournée contre la jeune fille. Il les avait poursuivis ; il avait essayé mille manières de les harceler et de les tourmenter ; ils avaient cherché vainement à se débarrasser de lui. La jeune fille était fort effrayée. L’accusé en était venu à une explication avec cet agresseur, et lui avait demandé comment il pouvait être assez barbare pour