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cas même, rien n’était plus choquant pour M. Falkland que ces sortes d’instances qui semblaient lui insinuer qu’il avait besoin d’un tuteur pour prendre soin de sa personne, ou bien qu’il était tombé, ou au moins en danger de tomber dans un état à ne pouvoir juger par lui-même de ses propres actions. Quelquefois il cédait d’un air chagrin aux humbles et affectueuses sollicitations de son vénérable serviteur en murmurant de la contrainte qu’on lui imposait, mais sans avoir le courage de mettre quelque énergie dans ses plaintes. Quelquefois, même en se rendant à ce qu’on demandait de lui, il éclatait tout à coup en reproches et en menaces. Alors il y avait dans sa colère quelque chose de farouche et d’effrayant qui rendait la position de la personne sur laquelle elle tombait la plus humiliante et la plus insupportable possible. Pour moi, dans ces occasions, il me traitait toujours avec emportement et me repoussait d’auprès de lui avec une véhémence hautaine et persistante au delà de tout ce dont j’aurais cru la nature humaine capable. Les excursions de M. Falkland étaient toujours, à ce qu’il me semblait, une espèce de crise de son mal, et, toutes les fois qu’on le déterminait à un retour prématuré, il tombait immédiatement après dans une mélancolie et une langueur qui duraient ordinairement deux ou trois jours. Par une fatalité opiniâtre, toutes les fois que je voyais M. Falkland dans ces situations déplorables, et particulièrement quand, après l’avoir cherché parmi les rochers et les précipices, mes yeux venaient à se porter sur lui, je le voyais pâle, maigre, hagard et fa-