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sans en prévenir, et sans se faire accompagner de qui que ce fût. Ceci était d’autant plus extraordinaire, qu’on savait fort bien qu’il ne faisait pas de visites et n’entretenait aucune relation avec les personnes du voisinage. Mais il était bien difficile qu’un homme du rang et de la fortune de M. Falkland menât un pareil genre de vie sans qu’on découvrît ce qu’il devenait, malgré la solitude d’une grande partie de notre comté. M. Falkand avait été vu quelquefois gravissant des rochers, quelquefois immobile et penché pendant des heures entières sur le bord d’un précipice, ou bien plongé dans une sorte d’assoupissement léthargique, près de la chute d’un torrent. Il passait des nuits entières en plein air, sans prendre garde ni au lieu ni au temps, insensible à toutes les injures de la saison, ou plutôt paraissant se plaire au tumulte et au désordre des éléments pour distraire en partie son attention de l’état de désolation qui accablait son âme.

Les premières fois, quand on nous donnait avis du lieu où s’était retiré M. Falkland, quelqu’un de sa maison, M. Collins ou moi, mais moi plus ordinairement, comme étant toujours au logis et toujours inoccupé, au moins dans le sens ordinaire de ce mot, nous allions le trouver pour l’engager à revenir. Mais après quelques expériences, nous jugeâmes plus convenable de laisser notre maître prolonger ou terminer son absence, suivant son inclination. M. Collins, à qui ses cheveux blancs et ses longs services semblaient donner une espèce de droit de se rendre importun, réussissait quelquefois, quoique, dans ce