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il avait la moindre communication, il avait à redouter d’être en secret l’objet des soupçons les plus odieux. À mon égard, il avait découvert que j’avais reçu des informations sur son compte, sans qu’il lui fût possible de deviner jusqu’où elles allaient, si on m’avait dit vrai ou faux, si on m’avait raconté les faits avec candeur ou avec malice. Il avait aussi quelque raison de supposer que j’entretenais des idées injurieuses à son honneur, et que je n’en jugeais pas aussi favorablement que l’exigeait l’extrême susceptibilité de sa passion dominante. Toutes ces considérations devaient naturellement le tenir dans un état habituel d’agitation et de malaise. Mais, quoique je ne trouvasse rien qui pût réellement fonder l’ombre d’un doute, cependant il m’était impossible de sortir de l’incertitude et du tourbillon perpétuel de mes conjectures.

L’état flottant de mon âme amena en moi une lutte de principes opposés qui se disputaient tour à tour la direction de ma conduite. Tantôt j’étais dominé par la plus profonde vénération pour mon maître ; je mettais une confiance sans réserve dans son intégrité et ses vertus, je lui soumettais aveuglément ma raison et mon jugement. Une autre fois, tout ce respect, toute cette confiance commençaient à refluer en sens contraire ; je redevenais, comme auparavant, défiant, soupçonneux, tourmenté par mille conjectures sur le sens des actes les plus indifférents. M. Falkland, qui était sans cesse dans les alarmes sur tout ce qui pouvait avoir trait à son honneur, apercevait très-bien toutes ces varia-