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sans culture, les plus heureux commencements peuvent finir par la honte et l’infamie.

— Ainsi, vous pensez donc qu’un esprit orné par les lettres et cultivé par l’étude est le seul garant de la solidité de nos principes ?

— Hum !… mais pourquoi supposeriez-vous, monsieur, que le talent et l’instruction ne servent pas souvent plutôt aux gens à cacher leurs crimes qu’à les empêcher d’en commettre ? Nous lisons là-dessus d’étranges choses dans l’histoire.

— Williams, dit M. Falkland un peu troublé, vous avez un bien singulier penchant à la censure et à la misanthropie.

— J’espère que non. Assurément, je n’aime pas moins à voir le revers de la médaille, pour compter combien il y a de gens qui ont été calomniés, et même, dans un temps ou dans un autre, déchirés et presque mis en pièces par leurs compatriotes, et qui pourtant se sont trouvés faits pour être chéris et vénérés, quand on a pu les bien juger.

— En vérité, reprit en soupirant M. Falkland, quand je pense à tout cela, je ne m’étonne pas de l’exclamation de Brutus mourant : « Ô vertu ! je t’ai cherchée comme une réalité, et je trouve que tu n’es qu’un vain nom. » Je ne suis que trop porté à penser comme lui.

— Assurément, monsieur, l’innocence et le crime sont souvent, dans cette vie, confondus l’un avec l’autre. Je me rappelle une histoire bien intéressante d’un pauvre homme du temps d’Élisabeth, qui aurait été infailliblement pendu pour meurtre, par la