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mieux, car, après tout, Dieu merci, un homme en vaut un autre, comme on dit ; mais il était trop fort pour moi.

» Peut-être que si j’avais poussé jusqu’à la ville du marché, en m’adressant à Munsle, votre homme de loi, il aurait pu me donner les moyens de vous écrire. Mais après avoir espéré et attendu en vain, il m’est venu d’autres idées là-dessus. Je n’ai pas cherché, monsieur, à vous aller ennuyer de mes affaires ; car je n’aime pas à importuner personne ; je gardais cela pour ma dernière ressource. Or donc, à présent qu’elle m’a aussi manqué, je suis, pour ainsi dire, honteux d’y avoir songé. Est-ce que je n’ai pas, me suis-je dit, des bras et des jambes aussi bien qu’un autre ? Me voilà chassé de ma maison, sans feu ni lieu. Eh bien, qu’est-ce que cela fait ? Je ne suis pas un chou qui meurt, parce qu’on l’a mis hors de terre. Je suis sans un penny, cela est vrai ; et combien y en a-t-il par centaines et par milliers, qui vivent au jour le jour pendant toute leur vie ! Et puis, me suis-je dit (j’en demande pardon à Votre Honneur), si nous autres petites gens nous avions seulement l’esprit de nous suffire à nous-mêmes, les autres ne seraient pas d’insipides et d’orgueilleux fainéants comme ils sont. Ils se trouveraient bien embarrassés d’eux-mêmes.

» Mais il y a une autre chose qui m’a décidé plus que tout le reste. Je ne sais comment vous dire cela, monsieur. Mon pauvre enfant, mon Léonard, tout le bonheur de ma vie, est depuis trois se-