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nière la plus indirecte et la plus détournée, aussitôt son visage s’altérait ; tous les symptômes de sa maladie reparaissaient, et c’était avec la plus grande peine qu’il venait à bout de surmonter son émotion. Tantôt il faisait un effort pénible sur lui-même pour se vaincre, tantôt il tombait dans un accès de démence furieuse, et courait s’ensevelir dans la solitude. Souvent je me sentis porté à interpréter ces apparences comme autant d’indices propres à fonder mes soupçons, quoique avec autant de probabilité et plus de bienveillance ; j’aurais aussi bien pu les attribuer aux cruelles mortifications qu’il avait eues à essuyer sur l’objet exclusif de son ambition. M. Collins m’avait fortement engagé au secret ; et M. Falkland, toutes les fois que mon geste ou l’émotion de son âme lui faisait naître l’idée que j’en savais plus que je ne disais, me lançait un coup d’œil perçant, comme pour deviner jusqu’à quel point j’étais instruit et comment j’avais pu l’être. Mais, à la prochaine entrevue, mes manières vives et franches lui rendaient la tranquillité, effaçaient l’émotion que j’avais causée, et nous remettaient l’un à l’égard de l’autre dans la première situation.

Plus cette innocente familiarité avait duré, plus il aurait fallu d’efforts pour la supprimer ; et M. Falkland n’aurait voulu ni me mortifier par une injonction sévère de me taire, ni paraître donner à mes paroles l’importance qu’une pareille injonction aurait pu faire supposer. Quelque stimulé que je fusse par la curiosité, il ne faut pas croire que l’objet de mes recherches fût toujours présent à