si peu méritées ! je m’en voulais à moi-même d’avoir pu concevoir un tel soupçon. L’aveu que Hawkins avait fait en mourant se représentait alors à mon souvenir, et je sentais qu’il n’y avait plus moyen d’entretenir un doute. Cependant, que signifiaient ces terreurs et ces angoisses de M. Falkland ? Bref, cette idée ayant une fois frappé mon esprit, elle y resta fixée pour jamais. Mes pensées flottaient de conjecture en conjecture ; mais c’était là le centre autour duquel elles tournaient et retournaient sans cesse. Je me déterminai à observer mon maître et à m’attacher à tous ses mouvements.
Aussitôt que je me fus donné cet emploi, j’en éprouvai une sorte de plaisir étrange. Nous trouvons toujours des charmes à faire ce qui est défendu, parce que nous sentons confusément que la défense renferme en soi quelque chose d’arbitraire et de tyrannique. Me faire l’espion de M. Falkland ! Le danger que présentait un pareil rôle ne servit qu’à y ajouter plus d’attrait encore. Je me rappelais la sévère réprimande que j’avais reçue de mon maître, son air terrible et menaçant ; et ce souvenir me causait une sorte de palpitation qui n’était pas sans quelque jouissance. Plus j’allais, plus l’attrait de cette sensation devenait irrésistible. Je m’imaginais me voir à tout moment sur le point d’être contre-miné et dans la continuelle nécessité de me tenir sur mes gardes. Plus M. Falkland était résolu à être impénétrable, plus ma curiosité devenait impérieuse. Au total, j’éprouvais bien quelques inquiétudes sur les dangers personnels auxquels je m’exposais ;