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sieurs, si, par votre jugement, vous pourriez m’ôter la vie sans toucher en même temps à mon honneur, combien je bénirais le coup qui anéantirait pour jamais ma pénible existence !

» Vous savez tous avec quelle facilité j’aurais pu fuir ; si j’avais été coupable, n’aurais-je pas embrassé cette ressource ? Mais dans l’état des choses je ne le pouvais pas. L’honneur a été l’idole de ma vie. Je n’aurais pu supporter l’idée qu’il y eût, dans le coin le plus reculé du monde, une seule créature humaine qui pût me croire criminel. Hélas ! à quelle fatale divinité ai-je été porter tous mes vœux ? Je me suis dévoué à une éternité de tourments et de désespoir.

» Je n’ai plus qu’un mot à ajouter. Je réclame de vous, messieurs, cette juste, mais imparfaite réparation, que j’ai droit d’attendre. Ma vie est peu de chose, sans doute ; mais mon honneur, les misérables restes d’honneur dont je ne suis pas encore dépouillé, dépendent de votre jugement. Vous ne pouvez faire que bien peu pour moi ; mais ce peu n’en constitue pas moins votre devoir envers moi. Puisse Dieu, première source de tout ce qui est bon et honorable, vous bénir et vous protéger ! l’homme que vous voyez devant vous est condamné pour jamais à la nullité et à la honte. Il n’a plus rien à espérer en ce monde, après la faible consolation qu’il attend aujourd’hui de vous. »


» Vous pouvez bien présumer que M. Falkland fut acquitté de la manière la plus honorable. Rien n’est plus déplorable dans les institutions humaines,