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des hommes que j’ai été jugé comme accusé d’un meurtre. Votre décision n’aura jamais le pouvoir d’empêcher que les déplorables restes de mon existence ne soient pour moi un poids insupportable.

» On m’accuse d’avoir commis un meurtre sur la personne de Barnabas Tyrrel. Qui ? moi ? Ah ! j’aurais donné tout ce que je possède au monde, je me serais dévoué à une misère éternelle pour lui conserver la vie. Elle était précieuse pour moi cette vie, plus que celle de tous les hommes ensemble. La plus cruelle offense qu’ait commise l’inconnu qui l’a tué, c’est, à mon opinion, de m’avoir arraché des mains la plus juste des vengeances. Je déclare que je l’aurais provoqué en duel, et que la mort de l’un ou de l’autre eût pu seule nous séparer : ce n’était encore qu’une faible et misérable réparation d’un outrage sans exemple, mais c’était la seule qui me restât.

» Je ne demande pas de pitié, mais je dois dire que jamais sort ne fut aussi horrible que le mien. J’aurais volontiers cherché dans une mort volontaire un asile contre le souvenir déchirant de cette affreuse soirée ; ma vie était dépouillée de cette considération qui me la rendait si chère : mais cette consolation même m’est refusée. Je suis condamné à traîner à jamais le poids intolérable de mon existence, sous peine de voir regarder mon impatience à le supporter, à quelque époque que ce puisse être, comme une confirmation de l’accusation de meurtre intentée contre moi. Mes-