Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/186

Cette page a été validée par deux contributeurs.

me mesurer avec vous ? Eh bien ! y a-t-il là de quoi me déshonorer ? Non, certes ; il n’y a que le tort d’avoir commis une injustice qui puisse vraiment me couvrir de honte. Mon honneur est en moi et sous ma propre garde ; il est hors de la portée de tous les autres hommes. Frappe, si tu veux, je ne suis que passif ; quelque injure que tu me fasses, tu ne me provoqueras jamais à exposer à un mal qui n’est pas nécessaire, ni ta personne ni la mienne. Voilà ce que je refuse : ne me taxe donc pas pour cela de pusillanimité ; quand tu me verras refuser d’encourir quelque danger ou de supporter quelque peine pour la chose publique, alors flétris-moi du nom de lâche. »

» Quelque simples et péremptoires que soient ces raisonnements pour un observateur sans passion, ils sont en général peu sentis par le monde, et ils étaient surtout ce qu’il y avait de moins analogue aux opinions de M. Falkland.

» Mais la honte et les outrages publics qu’il avait eus à subir, tout insupportables qu’ils étaient à sa pensée, ne complétèrent pas encore toute la masse d’infortunes que cette fatale journée accumula sur sa tête. Il courut bientôt un bruit que c’était lui qui était le meurtrier de son antagoniste. Un tel bruit importait trop à la sûreté même de sa vie, pour qu’on pensât à le lui cacher. Il l’entendit avec une surprise et une horreur impossibles à exprimer ; c’était un surcroît affreux à ce fardeau de calamités imaginaires qui l’accablait déjà. Personne n’avait sa réputation à cœur comme M. Falkland, et dans