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les accès de sa colère, se vît actuellement traité partout avec un mépris marqué, et accablé de reproches qu’on ne prenait pas même la peine de déguiser ou d’adoucir, c’était une chose dont il lui était impossible de soutenir la pensée. À chaque instant les traits de l’exécration générale venaient l’assaillir, et à chaque coup il tressaillait de douleur et de rage. Il était dans le délire de la fureur ; il repoussait chaque trait avec la férocité d’un tigre exaspéré par ses propres blessures ; mais plus il se débattait avec violence, plus sa situation devenait désespérée. Enfin, il se détermina à recueillir toutes ses forces pour braver ses ennemis et leur prouver qu’il était toujours lui-même.

Cette détermination prise, il résolut de se présenter sans délai au lieu d’assemblée dont j’ai déjà parlé. Il s’était écoulé un mois depuis la mort de miss Melville. Il y avait une semaine que M. Falkland était parti pour un voyage assez éloigné, et on ne l’attendait pas avant une autre semaine. M. Tyrrel ne laissa pas échapper une occasion aussi favorable, dans la confiance que, s’il pouvait une fois reprendre pied dans cette société, il lui serait facile de se maintenir, même en face de son plus formidable adversaire, sur le terrain qu’il avait regagné. Non que ce fût dans M. Tyrrel manque de courage, mais sa démarche allait être dans sa vie une époque trop importante pour qu’il voulût la compromettre par aucun risque.

À son entrée il se fit un bruit général dans l’assemblée, car il avait été convenu entre tous les