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eut pas un seul témoin de cette scène douloureuse qui pût s’empêcher de regarder M. Tyrrel comme le plus odieux tyran qui eût jamais déshonoré l’espèce humaine. Cet acte de cruauté inouïe, qui fut bientôt connu dans la prison, excita l’étonnement et une indignation générale parmi les employés mêmes de ce lieu d’oppression.

Si tels furent les sentiments de ces hommes accoutumés à servir d’instruments à l’injustice, on devine sans peine quels durent être ceux de M. Falkland ; il eut un véritable accès de démence et de désespoir ; il se frappait le front, s’arrachait les cheveux, allait et venait comme pour fuir une horrible image, et s’écriait qu’il avait honte d’appartenir à la même espèce qui avait produit un monstre tel que M. Tyrrel. Dans son indignation, il accusait la Providence et surtout les lois qui lui défendaient d’écraser comme un reptile l’assassin de miss Melville. Il fallut le garder comme un furieux.

Ce fut sur le docteur Wilson que reposa tout le soin de voir et de décider ce qu’il y avait de mieux à faire dans la conjoncture présente. Le docteur était un homme froid et méthodique. Une des premières idées qui se présentèrent à son esprit, fut que miss Melville était de la famille Tyrrel : il ne doutait pas que M. Falkland ne fût très-disposé à acquitter toutes les dépenses qu’exigeaient les tristes restes de cette malheureuse victime ; mais il pensa que les lois de l’usage et de la décence ne permettaient pas de laisser passer un tel événement sans en donner connaissance au chef de la famille. Peut-être aussi